samedi 21 juillet 2007

Les romans aux semelles de vent...


À grand coup de cœur, les grands moyens !
Book-à-Oreille est franchement enthousiasmé par I is Someone Else, de Patrick Cooper et même si tous les romans chroniqués sur le blog sont appréciés, il n'était pas question de s'arrêter, pour ce livre, à une simple critique.

Nous avons donc demandé à Patrick Cooper de nous en dire un peu plus sur son roman et sur son écriture. Il a très gentiment accepté de répondre à nos questions avides et passionnées, issues d'une lecture plus qu'emballée.

Réponses pleines de simplicité, d'humilité et de passion d'un écrivain qui aime s'adresser aux ados : un auteur selon notre cœur!

Book-à-Oreille : Peu de romans ados traitent du thème du voyage. Évidemment, on pense immédiatement à Sur la Route de Kerouac, mais passé ce classique, on sèche. Étiez-vous conscient d'une telle pénurie de récits de voyage pendant l'écriture de I is Someone Else? On dit que les voyages forment la jeunesse, en tant qu'auteur, pensez-vous que les voyages romancés soient nécessaires à l'ouverture d'esprit des lecteurs adolescents ?

Patrick Cooper : Je n'ai pas du tout pensé à cela en l'écrivant. Je ne prends jamais vraiment « le marché » en considération, mais j'ai simplement écrit I is Someone Else parce que j'avais une histoire à raconter, et j’avais le sentiment que jusque-là personne d’autre ne l'avait racontée correctement. Après environ 50 pages, je n'étais pas satisfait et je pensais abandonner le projet, mais ma fille, qui avait alors seize ans, l'a lu sur mon ordinateur (sans demander la permission) et a insisté pour que je continue parce qu'elle voulait absolument connaître la suite. Et je me suis rendu compte, en le terminant, que les jeunes de sa génération sont vraiment intéressés par les années 60, par cette explosion d'une société empêtrée dans ses certitudes d'après-guerre - une époque ou tout semblait possible. Ils ont aussi très envie de voyager, peut-être avec davantage de sécurité que Stephen, et si mes romans les y encouragent, c'est formidable. Mais en tant qu'auteur, ma préoccupation principale reste de raconter une histoire le mieux possible.

Book-à-Oreille : Dans les remerciements du livre, vous expliquez avoir été influencé par des récits de voyageurs des années 60 et 70. Comment êtes-vous parvenu à rendre le parcours de Stephen universel, typique, sans tomber dans les clichés de cette période ? À partir d'une génération entière de voyageurs en fuite, comment avez-vous créé le personnage de Stephen ?

Patrick Cooper : I is Someone Else n'est pas autobiographique, mais on retrouve beaucoup de moi-même dans le personnage de Stephen et j'ai puisé dans mes propres expériences ainsi que dans beaucoup d'autres récits que j'ai pu glaner pendant des années, pour construire son histoire. Lorsque j'ai débuté l'écriture, ce qui m'intéressait, c’était le contraste entre la sécurité (qui, bien sûr, n'en est pas une) du monde familier de sa famille et de son école et le tumulte des bouleversements sociaux du « monde extérieur » dont il ne sait presque rien. Je voulais voir ce nouveau monde à travers le prisme de son ingénuité et, peut-être, en faire une force. Avoir pour personnage principal un garçon relativement passif, c'est risqué. Mais j'en avais assez de ces héros d’une littérature adolescente pleine d'action, et je voulais explorer un autre modèle d'adolescent et son passage à l’âge adulte. D'un autre côté, j'ai découvert Stephen au fur et à mesure de l'écriture. Jusqu'à ce que j'écrive la fin, je ne savais pas ce qui allait se passer et finalement, d'une certaine manière, c'est l'histoire elle-même qui a créé le personnage. Je crois que c'est aussi ce qui se passe dans la vie : nous devenons la somme de nos propres histoires.

Book-à-Oreille : La littérature jeunesse et plus particulièrement les romans ados se sont beaucoup développées depuis quelques années. On a pourtant toujours l'impression que ces œuvres ont du mal à se faire reconnaître comme « littéraires ». Pensez-vous qu'il existe toujours une frontière entre la littérature appréciée des adolescents (comme les œuvres de Kerouac, ou Salinger, par exemple) et les livres catalogués « pour ados » ? En tant qu'auteur écrivez-vous aussi pour supprimer cette frontière ?

Patrick Cooper : L’une des choses que je voulais faire avec I is Someone Else, c'était explorer la force subversive de la poésie romantique, qui a un poids très important dans la vie de Stephen. Tout en écrivant, j'étais immergé dans la poésie et dans une biographie de Rimbaud[1], et le titre du livre est une citation du poète[2]. Comme le suggère le titre, le livre traite aussi de la question identitaire, qui est un topos littéraire important. Cela donne au roman un aspect très littéraire - certains pourraient même dire « prétentieux ». Mais la structure et le style du texte restent directs, sans tournures complexes, sans longs passages descriptifs et sans digressions philosophiques. Tout cela parle aux adolescents, mais il s'agit également d'un style que j'aime employer. Je crains que cette frontière dont vous parlez ne soit davantage une illusion commerciale qu'une volonté de la part des auteurs. Outre Kerouac et Salinger, des romans comme La Plage, d'Alex Garland ou Junk de Melvyn Burgess plaisent à toutes les catégories de lecteurs, quelque soit leur âge et j'aime à penser que j'ai une place parmi ces auteurs. Cela dit, je suis très content d'être catégorisé dans les « romans ados » : les adolescents, quand ils lisent, sont des lecteurs formidablement ouverts et perspicaces.

Book-à-Oreille : Certains de vos romans ont été traduits dans des langues étrangères. Quelle position adoptez-vous face au travail de traduction concernant vos œuvres ?Y' a-t-il des caractéristiques spécifiques à I is Someone Else qui vous paraissent difficiles à traduire dans une autre langue ou à faire passer dans une culture étrangère ?

Patrick Cooper : I is Someone Else, est un titre qui vient du français. Il m'a fallu un certain temps avant de décider comment j'allais le traduire ! Et le livre est rempli de personnages aux nationalités diverses et de références à la littérature européenne. Je parle d'une époque où les différentes cultures et nationalités sortaient tout juste d'un conflit et semblaient enfin se rassembler. J'espère donc que I is Someone Else et sa suite, Tell Me Lies, sont complètement transculturels, particulièrement pour l'Europe et l'Amérique du Nord. Je suis convaincu que ces deux romans seraient particulièrement intéressants à traduire en français, car la précision de la langue correspond à mon style et parce qu'elle est aussi porteuse d'une culture du voyage intelligent et de la quête philosophique. On pourrait imaginer que Candide est un ancêtre de Stephen qui suit, émerveillé, son parcours à travers un monde turbulent, et sa quête identitaire doit autant à Sartre qu'à Rimbaud.

J'ai lu quelques extraits des traductions espagnole et néerlandaise, du mieux que j'ai pu; et elles me paraissent rendre l'atmosphère assez fidèlement. J'ai reçu des lettres de lecteurs, surtout de Belgique où le livre a eu beaucoup de succès. Les deux livres ont également été publiés aux États-Unis et ont été très bien accueillis.

Je ne vois pas de problème particulier. Je pense qu'il se traduirait bien.

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Patrick Cooper est l'auteur de nombreux ouvrages jeunesse, parmi lesquel O'Driscoll's Treasure, Wings to Fly, I is Someone Else et sa suite, Tell Me Lies.
C'est aussi un marionettiste professionnel qui monte des spectacles et des ateliers de marionnettes depuis plus de vingt ans.
On peut en savoir davantage sur l'auteur grâce à son site: http://patrickcooper.me.uk/


[1] Rimbaud, Graham Robb (Picador)

[2] « Je est un autre », qu’on retrouve dans une lettre adressée à Georges Izambard et dans une seconde adressée à Paul Demeny.

The times, they were a-changing

Titre : I is Someone Else

Auteur : Patrick Cooper

Publié en 2003 par Andersen Press (2006 chez Random House)

280 pages



Résumé
: Printemps 1966. Sur le ferry qui l'amène d'Angleterre en France, Stephen, 15 ans, en route pour deux semaines de vacances chez son correspondant français, fait la connaissance de Jerry et Astrid. Ils sont jeunes, charismatiques, irrésistibles. Ils prétendent surtout être des amis de Rob, le frère de Stephen, et que ce dernier vit à Istanbul. Voilà 18 mois que ni Stephen ni ses parents n'ont de nouvelles de ce frère rebelle, qui a quitté l'école pour mener une vie de bohème. La mère de Stephen préfère croire à la mort de son fils, mais Stephen est persuadé que Rob est vivant.

Astrid et Jerry ont prévu de rejoindre Istanbul en voiture, et proposent à Stephen de les accompagner. Stephen hésite. C'est un garçon raisonnable, studieux, un peu timoré et un voyage soudain à Istanbul semble la dernière chose à faire. Mais il doit savoir si Rob est vivant.
Il entame alors un périple dont Istanbul n'est que la première escale. Voyageant à travers la Turquie, l'Iran, le Pakistan et finalement l'Inde, Stephen abandonne petit à petit l'idée de retrouver son frère et accepte finalement le caractère personnel et spirituel de son périple. À mesure que Stephen avance dans sa quête du présent et du futur, il révèle petit à petit les fragments d'un évènement passé traumatisant, de la confiance et de l'innocence brisée par un professeur tant admiré, par une froide journée d'hiver anglais.

Le livre : Sublime. Le genre de livre qui marque, qui dure, qui accompagne pendant longtemps. Le genre de livre dont on se rappelle la lecture avec cette nostalgie, cette affection si particulière à la littérature. Un grand roman adolescent, qui exulte une sincérité, une innocence, une souffrance, une crudité toute adolescente. Le genre de livres qu'on estime important et qui perdurera, dans un contexte éditorial de surproduction.

Le récit : Un récit à la troisième personne qui suit le parcours de Stephen, un adolescent curieux, sensible, timide et solitaire. Un parcours intelligent, qui plutôt que de nous plonger tête la première dans une époque que nous n'avons pas forcément connu et qui nous semble, nous, jeunes adultes d'une société post-septembre 2001, d'autant plus difficile à comprendre que nous avons du mal à imaginer une telle insouciance et une telle liberté. Stephen, personnage contemporain de ces flux migratoires de la beat generation et des mouvements hippys, à du mal à comprendre lui-même ce qui se passe.
Allen Ginsberg en Europe, les Doors au Whisky a Go-Go, George Harrison en Inde... Entre littérature, art, musique, on comprend qu'à l'époque, sans qu'on sache vraiment pourquoi ou comment, il se passe « quelque chose ».
Stephen n'est pas réellement conscient de tout cela et c'est ce qui fait sa force en tant que personnage. Issu d'une bonne famille de la classe moyenne britannique, il est à la fois irrésistiblement attiré et effrayé par cette liberté criarde et irrévérencieuse qui s'empare d'un occident en route pour l'orient.
Astrid et Jerry, beauté troublante et roublard désarmant entraînent Stephen aux portes de l'Asie, sans qu'on sache vraiment s'ils sont la cause ou le moyen, dans un périple ou les raisons et les motivations deviennent floues. Seul le voyage, seule la découverte semble réellement compter.
Puis il y a le voyage désespéré, le voyage à tout prix, le voyage « parce qu'on ne peut pas revenir en arrière » avec Mary, figure maternelle irlandaise, qui partage la peur, la menace, et avec qui il frôle la mort.
Entraîné d'abord par deux figures charismatiques, accompagné ensuite par une figure protectrice, c'est seul qu'un Stephen grandi, enhardi atteint l'Inde, le Gange, rencontre un gourou, mais malgré la sagesse, la puissance spirituelle qu'il pense avoir acquis n'échappe pas à une terrible solitude, à une horrible sensation de vide.
Avec son voyage en Inde, Stephen semble changer : sa métamorphose n'est qu'une façade, qu'une illusion qui s'effrite, qui vole en éclat devant un souvenir traumatisant, dont il assume à tort la culpabilité. Stephen, qui jusqu'ici regardait un monde en pleine mutation avec les mêmes yeux que le lecteur ignorant, lui devient alors étranger. À l'autre bout du monde, Stephen ne parvient pas à semer sa blessure.
Il lui faudra la confronter, de retour en Angleterre, pour pouvoir s'en libérer.

Le style : Le style est fort, présent, clair et direct. Sans maniérisme, sans atermoiements, l'auteur présente les enjeux de l'existence adolescente, de la naïveté brisée, que le héros cherche à tout prix à maintenir, même s'il lui faut pour cela risquer sa vie dans des territoires dangereux et troublés.
Tour à tour haletante, contemplative, voire carrément métatextuelle, la narration aborde des sujets sociaux graves, des thématiques littéraires à la fois importantes et extrêmement complexes avec une simplicité et une évidence déconcertante.
Parfois cru, parfois explicite, le style n'est jamais choquant : il n'est pas question de traumatiser de lecteur, mais bien de raconter, au fond, une expérience traumatisante le mieux et le plus vraisemblablement possible.
La lecture d'un livre aussi exigeant voire éprouvant que I is Someone Else s'avère finalement accessible, simple et sans fausse complexité.

Les atouts, la ligne éditoriale : Le livre s'adresse aux adolescents à partir de 14/15 ans. I is Someone Else fait aussi parti de ces livres dits « pour jeunes adultes », qu'un public plus âgé pourra facilement apprécier.
Un roman puissant, important, loin de toutes ces modes de romans adolescents qui ne dureront qu'un temps, qui pose des bases importantes quant à la compréhension d'un âge où tout semble permis, où tout semble possible, quelques soient les limites ou les interdits de l'époque. Qu'on ne soit pas sérieux quand on a 17 ans en 1871, comme Rimbaud, ou qu'on franchisse les portes de l'Asie en 1966, les adolescents et le fruit de leur rébellion auront toujours raison des époques.
À PUBLIER ABSOLUMENT !

mardi 17 juillet 2007

Du côté de l'Irlande...


Avec un peu de retard, on fait passer l'info : la collection Scripto, chez Gallimard, a publié le roman de Siobhan Dowd, A Swift Pure Cry, sous le titre Sans un Cri.
Un magnifique premier roman, fort, juste et poignant.
Il est traduit de l'anglais par Cécile Dutheil de la Rochère.

À noter que le second roman de Siobhan Dowd, The London Eye Mystery vient de paraître chez David Fickling Books (Random House).
Bientôt une chronique dans Book à Oreille... ?

mardi 10 juillet 2007

La traversée du désert...


Titre : The Higher Power of Lucky

Auteur : Susan Patron
Illustrations de Matt Phelan

Publié en 2006 par Simon and Schuster

134 pages

Le livre a reçu la John Newberry Medal de 2007, un prix remis par les bibliothécaires de la section jeunesse de la American Library Association

ésumé : Lucky est une petite fille de 10 ans qui vit à Hard Pan, en Californie. Une ville de 43 habitants aux maisons faites de tôle ou de petites caravanes. Et Lucky a beaucoup de soucis. D'abord, il y a Brigitte, sa tutrice française. Lucky est certaine qu'elle est malheureuse à Hard Pan, que son travail de tutrice l'ennuie et qu'elle veut rentrer en France.
Il y a son père, qu'elle ne connaît pas et qui ne veut pas d'elle, la preuve : à la mort de sa mère, il l'a confiée à Brigitte. Puis il y a Miles, ce petit garçon de 5 ans, souvent dans ses jupes, qui veut toujours qu'on lui lise le même livre et qui a une passion un peu trop dévorante pour les biscuits.
Il y a Lincoln. Sa mère veut absolument qu'il devienne président, mais lui n'a qu'une seule chose en tête : sa passion pour les noeuds. Il y a l'urne, qui contient les cendres de la maman de Lucky.
Et puis il y a ces réunions au "Musée des clochettes éoliennes réalisées avec des objets trouvés". Lucky les épie, et apprend comment les alcooliques anonymes, les fumeurs anonymes ou les boulimiques anonymes ont "touché le fond" et surtout, comment ils ont trouvé leur "puissance supérieure"qui leur a permis de remonter la pente.
Lucky aimerait bien trouver sa "puissance supérieure". Si elle la trouvait, elle saurait sûrement comment devenir une exploratrice scientifique confirmée, comment retenir Brigitte et comment éviter l'orphelinat de Los Angeles.
Enfin, un jour, Lucky trouve la solution : si elle s'enfuit seule dans le désert californien, en s'abritant quelques jours dans la petite grotte un peu plus loin, alors Brigitte appellera la police , qui appellera son père, qui rappellera Brigitte et la forcera à faire son travail de tutrice un peu plus sérieusement...
Mais Lucky n'a pas vraiment prévu la tempête de sable, ni le poids de son sac de survie, qu'elle trimballe en toutes circonstances...

Le livre : The Higher Power of Lucky est un livre court, où l'on sent chaque mot pesé, pensé, prévu. Et chaque mot, avec une infinie douceur et une infinie simplicité, touche le lecteur. Un livre plein de poésie, de personnages attachants, adorables, poignants, avec qui on est content de faire un bout de chemin, le temps de 134 pages. Un livre où l'enfance n'est pas vraiment dorée, même plutôt dure à porter, mais une enfance qui se débrouille, au milieu d'un petit village de personnalités hétéroclites, mais soudées. Lucky avec son ami Lincoln et le petit Miles côtoient les épreuves de la vie, du parcours des alcooliques anonymes aux dons du gouvernement pour les produits de premières nécessités. Susan Patron met enfants et adultes de Hard Pan sur un pied d'égalité dans leur sagesse, tous prisonniers de leur terrible et merveilleuse innocence, tous dotés d'une profondeur qu'on découvre au fil des pages et que l'on savoure une fois le livre refermé.

Le récit : Bien construit, bien amené, bien dosé, le récit s'articule autour d'une tension émotionnelle qui monte, tout en prenant son temps, tout en expliquant le pourquoi du comment, tout en démontrant qu'à dix ans on sait chasser une vipère de la machine à laver, on sait partir en exploration comme Charles Darwin et on sait repérer une tutrice sur le point de prendre la poudre d'escampette. De Hard Pan à Hard Pan, de la caravane au désert, une kyrielle de questions philosophiques ou de simples coïncidences existentielles jalonnent ce beau récit, et lui donne une profondeur, une consistance insoupçonnée, presque accidentelle.

Le style : Que le style spontané et frais de Susan Patron ne trompe personne. Derrière cette apparente simplicité se trouve une toile extrêmement complexe, tissée autour de la logique et des réactions d'une enfant de dix ans. Malicieuse, inventive, la voix de Lucky, petite personne décidée, décrit avec justesse cet âge de raison, si sérieux et si fou, si lucide et si perdu.
Des mots tendres, qui cherchent une explication scientifique aux ratés de l'existence, comme cette glande qui selon Lucky peut sécréter de la méchanceté, ou ce sac à dos de survie, qu'elle promène partout puisque les adultes qui dirigent sa vie sont faillibles, incompétents et mortels.
Jamais ennuyeux, jamais bêtifiant, jamais moralisateur, le style de Susan Patron, qui ne fait qu'un avec la voix de Lucky, offre une vision unique d'un monde imparfait à travers le regard d'une enfant de dix ans. Une chance à saisir, pour le jeune lecteur comme pour le lecteur adulte.

Les atouts, la ligne éditoriale : Un beau, un vrai roman pour les plus jeunes (9-12 ans). Susan Patron contribue fortement à "délocaliser" ce qu'on appelle aujourd'hui la littérature ado (sujets plus sensibles, abordés d'une manière plus vraie, parfois plus crue, le plus souvent pour les plus de 13 ans, voire les plus de 15) vers une littérature pré-ado. Avec une infinie tendresse et loin de tous les clichés de cette Amérique insaisissable, Lucky sème au vent ses grains de sagesse, de tristesse et de bonheur. Au-delà d'une confiance brisée, d'un deuil traumatisant et d'une peur chronique de l'abandon, c'est tout le courage et la générosité de l'enfance que décrit Susan Patron, avec ses méchancetés vite regrettées, son ingéniosité et son désir infini d'exister, dans le monde, avec et pour les autres.
À TRADUIRE D'URGENCE !