mardi 2 octobre 2007

Des nouvelles du front


Amis lecteurs bonjour,

Tout d'abord mille excuses pour ce long silence, mais cet été fut celui de tous les records en termes de travail - et quelle plaisir d'être si productive !
Bien entendu, cela signifie une baisse de temps pour les lectures personnelles et les notes sur ce blog... Merci à tous pour les petits mots d'encouragement reçus dans ma boite virtuelle ! Promis, vous aurez des comptes-rendus cet automne sur Book à Oreille !

J'en profite pour annoncer la sortie prochaine de la traduction de Martyn Pig de notre bien-aimé Kevin Brooks chez Milan, dans la collection Macadam.
Comment j'ai tué mon père...sans le faire exprès paraîtra le 18 octobre prochain.
Il est traduit de l'anglais par Laurence Kiéfé.
Bonne lecture à tous et à très bientôt !

samedi 21 juillet 2007

Les romans aux semelles de vent...


À grand coup de cœur, les grands moyens !
Book-à-Oreille est franchement enthousiasmé par I is Someone Else, de Patrick Cooper et même si tous les romans chroniqués sur le blog sont appréciés, il n'était pas question de s'arrêter, pour ce livre, à une simple critique.

Nous avons donc demandé à Patrick Cooper de nous en dire un peu plus sur son roman et sur son écriture. Il a très gentiment accepté de répondre à nos questions avides et passionnées, issues d'une lecture plus qu'emballée.

Réponses pleines de simplicité, d'humilité et de passion d'un écrivain qui aime s'adresser aux ados : un auteur selon notre cœur!

Book-à-Oreille : Peu de romans ados traitent du thème du voyage. Évidemment, on pense immédiatement à Sur la Route de Kerouac, mais passé ce classique, on sèche. Étiez-vous conscient d'une telle pénurie de récits de voyage pendant l'écriture de I is Someone Else? On dit que les voyages forment la jeunesse, en tant qu'auteur, pensez-vous que les voyages romancés soient nécessaires à l'ouverture d'esprit des lecteurs adolescents ?

Patrick Cooper : Je n'ai pas du tout pensé à cela en l'écrivant. Je ne prends jamais vraiment « le marché » en considération, mais j'ai simplement écrit I is Someone Else parce que j'avais une histoire à raconter, et j’avais le sentiment que jusque-là personne d’autre ne l'avait racontée correctement. Après environ 50 pages, je n'étais pas satisfait et je pensais abandonner le projet, mais ma fille, qui avait alors seize ans, l'a lu sur mon ordinateur (sans demander la permission) et a insisté pour que je continue parce qu'elle voulait absolument connaître la suite. Et je me suis rendu compte, en le terminant, que les jeunes de sa génération sont vraiment intéressés par les années 60, par cette explosion d'une société empêtrée dans ses certitudes d'après-guerre - une époque ou tout semblait possible. Ils ont aussi très envie de voyager, peut-être avec davantage de sécurité que Stephen, et si mes romans les y encouragent, c'est formidable. Mais en tant qu'auteur, ma préoccupation principale reste de raconter une histoire le mieux possible.

Book-à-Oreille : Dans les remerciements du livre, vous expliquez avoir été influencé par des récits de voyageurs des années 60 et 70. Comment êtes-vous parvenu à rendre le parcours de Stephen universel, typique, sans tomber dans les clichés de cette période ? À partir d'une génération entière de voyageurs en fuite, comment avez-vous créé le personnage de Stephen ?

Patrick Cooper : I is Someone Else n'est pas autobiographique, mais on retrouve beaucoup de moi-même dans le personnage de Stephen et j'ai puisé dans mes propres expériences ainsi que dans beaucoup d'autres récits que j'ai pu glaner pendant des années, pour construire son histoire. Lorsque j'ai débuté l'écriture, ce qui m'intéressait, c’était le contraste entre la sécurité (qui, bien sûr, n'en est pas une) du monde familier de sa famille et de son école et le tumulte des bouleversements sociaux du « monde extérieur » dont il ne sait presque rien. Je voulais voir ce nouveau monde à travers le prisme de son ingénuité et, peut-être, en faire une force. Avoir pour personnage principal un garçon relativement passif, c'est risqué. Mais j'en avais assez de ces héros d’une littérature adolescente pleine d'action, et je voulais explorer un autre modèle d'adolescent et son passage à l’âge adulte. D'un autre côté, j'ai découvert Stephen au fur et à mesure de l'écriture. Jusqu'à ce que j'écrive la fin, je ne savais pas ce qui allait se passer et finalement, d'une certaine manière, c'est l'histoire elle-même qui a créé le personnage. Je crois que c'est aussi ce qui se passe dans la vie : nous devenons la somme de nos propres histoires.

Book-à-Oreille : La littérature jeunesse et plus particulièrement les romans ados se sont beaucoup développées depuis quelques années. On a pourtant toujours l'impression que ces œuvres ont du mal à se faire reconnaître comme « littéraires ». Pensez-vous qu'il existe toujours une frontière entre la littérature appréciée des adolescents (comme les œuvres de Kerouac, ou Salinger, par exemple) et les livres catalogués « pour ados » ? En tant qu'auteur écrivez-vous aussi pour supprimer cette frontière ?

Patrick Cooper : L’une des choses que je voulais faire avec I is Someone Else, c'était explorer la force subversive de la poésie romantique, qui a un poids très important dans la vie de Stephen. Tout en écrivant, j'étais immergé dans la poésie et dans une biographie de Rimbaud[1], et le titre du livre est une citation du poète[2]. Comme le suggère le titre, le livre traite aussi de la question identitaire, qui est un topos littéraire important. Cela donne au roman un aspect très littéraire - certains pourraient même dire « prétentieux ». Mais la structure et le style du texte restent directs, sans tournures complexes, sans longs passages descriptifs et sans digressions philosophiques. Tout cela parle aux adolescents, mais il s'agit également d'un style que j'aime employer. Je crains que cette frontière dont vous parlez ne soit davantage une illusion commerciale qu'une volonté de la part des auteurs. Outre Kerouac et Salinger, des romans comme La Plage, d'Alex Garland ou Junk de Melvyn Burgess plaisent à toutes les catégories de lecteurs, quelque soit leur âge et j'aime à penser que j'ai une place parmi ces auteurs. Cela dit, je suis très content d'être catégorisé dans les « romans ados » : les adolescents, quand ils lisent, sont des lecteurs formidablement ouverts et perspicaces.

Book-à-Oreille : Certains de vos romans ont été traduits dans des langues étrangères. Quelle position adoptez-vous face au travail de traduction concernant vos œuvres ?Y' a-t-il des caractéristiques spécifiques à I is Someone Else qui vous paraissent difficiles à traduire dans une autre langue ou à faire passer dans une culture étrangère ?

Patrick Cooper : I is Someone Else, est un titre qui vient du français. Il m'a fallu un certain temps avant de décider comment j'allais le traduire ! Et le livre est rempli de personnages aux nationalités diverses et de références à la littérature européenne. Je parle d'une époque où les différentes cultures et nationalités sortaient tout juste d'un conflit et semblaient enfin se rassembler. J'espère donc que I is Someone Else et sa suite, Tell Me Lies, sont complètement transculturels, particulièrement pour l'Europe et l'Amérique du Nord. Je suis convaincu que ces deux romans seraient particulièrement intéressants à traduire en français, car la précision de la langue correspond à mon style et parce qu'elle est aussi porteuse d'une culture du voyage intelligent et de la quête philosophique. On pourrait imaginer que Candide est un ancêtre de Stephen qui suit, émerveillé, son parcours à travers un monde turbulent, et sa quête identitaire doit autant à Sartre qu'à Rimbaud.

J'ai lu quelques extraits des traductions espagnole et néerlandaise, du mieux que j'ai pu; et elles me paraissent rendre l'atmosphère assez fidèlement. J'ai reçu des lettres de lecteurs, surtout de Belgique où le livre a eu beaucoup de succès. Les deux livres ont également été publiés aux États-Unis et ont été très bien accueillis.

Je ne vois pas de problème particulier. Je pense qu'il se traduirait bien.

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Patrick Cooper est l'auteur de nombreux ouvrages jeunesse, parmi lesquel O'Driscoll's Treasure, Wings to Fly, I is Someone Else et sa suite, Tell Me Lies.
C'est aussi un marionettiste professionnel qui monte des spectacles et des ateliers de marionnettes depuis plus de vingt ans.
On peut en savoir davantage sur l'auteur grâce à son site: http://patrickcooper.me.uk/


[1] Rimbaud, Graham Robb (Picador)

[2] « Je est un autre », qu’on retrouve dans une lettre adressée à Georges Izambard et dans une seconde adressée à Paul Demeny.

The times, they were a-changing

Titre : I is Someone Else

Auteur : Patrick Cooper

Publié en 2003 par Andersen Press (2006 chez Random House)

280 pages



Résumé
: Printemps 1966. Sur le ferry qui l'amène d'Angleterre en France, Stephen, 15 ans, en route pour deux semaines de vacances chez son correspondant français, fait la connaissance de Jerry et Astrid. Ils sont jeunes, charismatiques, irrésistibles. Ils prétendent surtout être des amis de Rob, le frère de Stephen, et que ce dernier vit à Istanbul. Voilà 18 mois que ni Stephen ni ses parents n'ont de nouvelles de ce frère rebelle, qui a quitté l'école pour mener une vie de bohème. La mère de Stephen préfère croire à la mort de son fils, mais Stephen est persuadé que Rob est vivant.

Astrid et Jerry ont prévu de rejoindre Istanbul en voiture, et proposent à Stephen de les accompagner. Stephen hésite. C'est un garçon raisonnable, studieux, un peu timoré et un voyage soudain à Istanbul semble la dernière chose à faire. Mais il doit savoir si Rob est vivant.
Il entame alors un périple dont Istanbul n'est que la première escale. Voyageant à travers la Turquie, l'Iran, le Pakistan et finalement l'Inde, Stephen abandonne petit à petit l'idée de retrouver son frère et accepte finalement le caractère personnel et spirituel de son périple. À mesure que Stephen avance dans sa quête du présent et du futur, il révèle petit à petit les fragments d'un évènement passé traumatisant, de la confiance et de l'innocence brisée par un professeur tant admiré, par une froide journée d'hiver anglais.

Le livre : Sublime. Le genre de livre qui marque, qui dure, qui accompagne pendant longtemps. Le genre de livre dont on se rappelle la lecture avec cette nostalgie, cette affection si particulière à la littérature. Un grand roman adolescent, qui exulte une sincérité, une innocence, une souffrance, une crudité toute adolescente. Le genre de livres qu'on estime important et qui perdurera, dans un contexte éditorial de surproduction.

Le récit : Un récit à la troisième personne qui suit le parcours de Stephen, un adolescent curieux, sensible, timide et solitaire. Un parcours intelligent, qui plutôt que de nous plonger tête la première dans une époque que nous n'avons pas forcément connu et qui nous semble, nous, jeunes adultes d'une société post-septembre 2001, d'autant plus difficile à comprendre que nous avons du mal à imaginer une telle insouciance et une telle liberté. Stephen, personnage contemporain de ces flux migratoires de la beat generation et des mouvements hippys, à du mal à comprendre lui-même ce qui se passe.
Allen Ginsberg en Europe, les Doors au Whisky a Go-Go, George Harrison en Inde... Entre littérature, art, musique, on comprend qu'à l'époque, sans qu'on sache vraiment pourquoi ou comment, il se passe « quelque chose ».
Stephen n'est pas réellement conscient de tout cela et c'est ce qui fait sa force en tant que personnage. Issu d'une bonne famille de la classe moyenne britannique, il est à la fois irrésistiblement attiré et effrayé par cette liberté criarde et irrévérencieuse qui s'empare d'un occident en route pour l'orient.
Astrid et Jerry, beauté troublante et roublard désarmant entraînent Stephen aux portes de l'Asie, sans qu'on sache vraiment s'ils sont la cause ou le moyen, dans un périple ou les raisons et les motivations deviennent floues. Seul le voyage, seule la découverte semble réellement compter.
Puis il y a le voyage désespéré, le voyage à tout prix, le voyage « parce qu'on ne peut pas revenir en arrière » avec Mary, figure maternelle irlandaise, qui partage la peur, la menace, et avec qui il frôle la mort.
Entraîné d'abord par deux figures charismatiques, accompagné ensuite par une figure protectrice, c'est seul qu'un Stephen grandi, enhardi atteint l'Inde, le Gange, rencontre un gourou, mais malgré la sagesse, la puissance spirituelle qu'il pense avoir acquis n'échappe pas à une terrible solitude, à une horrible sensation de vide.
Avec son voyage en Inde, Stephen semble changer : sa métamorphose n'est qu'une façade, qu'une illusion qui s'effrite, qui vole en éclat devant un souvenir traumatisant, dont il assume à tort la culpabilité. Stephen, qui jusqu'ici regardait un monde en pleine mutation avec les mêmes yeux que le lecteur ignorant, lui devient alors étranger. À l'autre bout du monde, Stephen ne parvient pas à semer sa blessure.
Il lui faudra la confronter, de retour en Angleterre, pour pouvoir s'en libérer.

Le style : Le style est fort, présent, clair et direct. Sans maniérisme, sans atermoiements, l'auteur présente les enjeux de l'existence adolescente, de la naïveté brisée, que le héros cherche à tout prix à maintenir, même s'il lui faut pour cela risquer sa vie dans des territoires dangereux et troublés.
Tour à tour haletante, contemplative, voire carrément métatextuelle, la narration aborde des sujets sociaux graves, des thématiques littéraires à la fois importantes et extrêmement complexes avec une simplicité et une évidence déconcertante.
Parfois cru, parfois explicite, le style n'est jamais choquant : il n'est pas question de traumatiser de lecteur, mais bien de raconter, au fond, une expérience traumatisante le mieux et le plus vraisemblablement possible.
La lecture d'un livre aussi exigeant voire éprouvant que I is Someone Else s'avère finalement accessible, simple et sans fausse complexité.

Les atouts, la ligne éditoriale : Le livre s'adresse aux adolescents à partir de 14/15 ans. I is Someone Else fait aussi parti de ces livres dits « pour jeunes adultes », qu'un public plus âgé pourra facilement apprécier.
Un roman puissant, important, loin de toutes ces modes de romans adolescents qui ne dureront qu'un temps, qui pose des bases importantes quant à la compréhension d'un âge où tout semble permis, où tout semble possible, quelques soient les limites ou les interdits de l'époque. Qu'on ne soit pas sérieux quand on a 17 ans en 1871, comme Rimbaud, ou qu'on franchisse les portes de l'Asie en 1966, les adolescents et le fruit de leur rébellion auront toujours raison des époques.
À PUBLIER ABSOLUMENT !

mardi 17 juillet 2007

Du côté de l'Irlande...


Avec un peu de retard, on fait passer l'info : la collection Scripto, chez Gallimard, a publié le roman de Siobhan Dowd, A Swift Pure Cry, sous le titre Sans un Cri.
Un magnifique premier roman, fort, juste et poignant.
Il est traduit de l'anglais par Cécile Dutheil de la Rochère.

À noter que le second roman de Siobhan Dowd, The London Eye Mystery vient de paraître chez David Fickling Books (Random House).
Bientôt une chronique dans Book à Oreille... ?

mardi 10 juillet 2007

La traversée du désert...


Titre : The Higher Power of Lucky

Auteur : Susan Patron
Illustrations de Matt Phelan

Publié en 2006 par Simon and Schuster

134 pages

Le livre a reçu la John Newberry Medal de 2007, un prix remis par les bibliothécaires de la section jeunesse de la American Library Association

ésumé : Lucky est une petite fille de 10 ans qui vit à Hard Pan, en Californie. Une ville de 43 habitants aux maisons faites de tôle ou de petites caravanes. Et Lucky a beaucoup de soucis. D'abord, il y a Brigitte, sa tutrice française. Lucky est certaine qu'elle est malheureuse à Hard Pan, que son travail de tutrice l'ennuie et qu'elle veut rentrer en France.
Il y a son père, qu'elle ne connaît pas et qui ne veut pas d'elle, la preuve : à la mort de sa mère, il l'a confiée à Brigitte. Puis il y a Miles, ce petit garçon de 5 ans, souvent dans ses jupes, qui veut toujours qu'on lui lise le même livre et qui a une passion un peu trop dévorante pour les biscuits.
Il y a Lincoln. Sa mère veut absolument qu'il devienne président, mais lui n'a qu'une seule chose en tête : sa passion pour les noeuds. Il y a l'urne, qui contient les cendres de la maman de Lucky.
Et puis il y a ces réunions au "Musée des clochettes éoliennes réalisées avec des objets trouvés". Lucky les épie, et apprend comment les alcooliques anonymes, les fumeurs anonymes ou les boulimiques anonymes ont "touché le fond" et surtout, comment ils ont trouvé leur "puissance supérieure"qui leur a permis de remonter la pente.
Lucky aimerait bien trouver sa "puissance supérieure". Si elle la trouvait, elle saurait sûrement comment devenir une exploratrice scientifique confirmée, comment retenir Brigitte et comment éviter l'orphelinat de Los Angeles.
Enfin, un jour, Lucky trouve la solution : si elle s'enfuit seule dans le désert californien, en s'abritant quelques jours dans la petite grotte un peu plus loin, alors Brigitte appellera la police , qui appellera son père, qui rappellera Brigitte et la forcera à faire son travail de tutrice un peu plus sérieusement...
Mais Lucky n'a pas vraiment prévu la tempête de sable, ni le poids de son sac de survie, qu'elle trimballe en toutes circonstances...

Le livre : The Higher Power of Lucky est un livre court, où l'on sent chaque mot pesé, pensé, prévu. Et chaque mot, avec une infinie douceur et une infinie simplicité, touche le lecteur. Un livre plein de poésie, de personnages attachants, adorables, poignants, avec qui on est content de faire un bout de chemin, le temps de 134 pages. Un livre où l'enfance n'est pas vraiment dorée, même plutôt dure à porter, mais une enfance qui se débrouille, au milieu d'un petit village de personnalités hétéroclites, mais soudées. Lucky avec son ami Lincoln et le petit Miles côtoient les épreuves de la vie, du parcours des alcooliques anonymes aux dons du gouvernement pour les produits de premières nécessités. Susan Patron met enfants et adultes de Hard Pan sur un pied d'égalité dans leur sagesse, tous prisonniers de leur terrible et merveilleuse innocence, tous dotés d'une profondeur qu'on découvre au fil des pages et que l'on savoure une fois le livre refermé.

Le récit : Bien construit, bien amené, bien dosé, le récit s'articule autour d'une tension émotionnelle qui monte, tout en prenant son temps, tout en expliquant le pourquoi du comment, tout en démontrant qu'à dix ans on sait chasser une vipère de la machine à laver, on sait partir en exploration comme Charles Darwin et on sait repérer une tutrice sur le point de prendre la poudre d'escampette. De Hard Pan à Hard Pan, de la caravane au désert, une kyrielle de questions philosophiques ou de simples coïncidences existentielles jalonnent ce beau récit, et lui donne une profondeur, une consistance insoupçonnée, presque accidentelle.

Le style : Que le style spontané et frais de Susan Patron ne trompe personne. Derrière cette apparente simplicité se trouve une toile extrêmement complexe, tissée autour de la logique et des réactions d'une enfant de dix ans. Malicieuse, inventive, la voix de Lucky, petite personne décidée, décrit avec justesse cet âge de raison, si sérieux et si fou, si lucide et si perdu.
Des mots tendres, qui cherchent une explication scientifique aux ratés de l'existence, comme cette glande qui selon Lucky peut sécréter de la méchanceté, ou ce sac à dos de survie, qu'elle promène partout puisque les adultes qui dirigent sa vie sont faillibles, incompétents et mortels.
Jamais ennuyeux, jamais bêtifiant, jamais moralisateur, le style de Susan Patron, qui ne fait qu'un avec la voix de Lucky, offre une vision unique d'un monde imparfait à travers le regard d'une enfant de dix ans. Une chance à saisir, pour le jeune lecteur comme pour le lecteur adulte.

Les atouts, la ligne éditoriale : Un beau, un vrai roman pour les plus jeunes (9-12 ans). Susan Patron contribue fortement à "délocaliser" ce qu'on appelle aujourd'hui la littérature ado (sujets plus sensibles, abordés d'une manière plus vraie, parfois plus crue, le plus souvent pour les plus de 13 ans, voire les plus de 15) vers une littérature pré-ado. Avec une infinie tendresse et loin de tous les clichés de cette Amérique insaisissable, Lucky sème au vent ses grains de sagesse, de tristesse et de bonheur. Au-delà d'une confiance brisée, d'un deuil traumatisant et d'une peur chronique de l'abandon, c'est tout le courage et la générosité de l'enfance que décrit Susan Patron, avec ses méchancetés vite regrettées, son ingéniosité et son désir infini d'exister, dans le monde, avec et pour les autres.
À TRADUIRE D'URGENCE !

lundi 25 juin 2007

Oeil pour oeil...

[C'est encore le cafouillage, entre traduction pour M. et lectures pour A. D problèmes postaux et d'organisation délaient un peu le reste des romans arthuriens et des lectures hébdomadaires. Courage, on va y arriver !]
Titre : The Enemy Has a Face

Auteur : Gloria D. Miklowitz

Publié en 2003 par Eerdmans Books

139 pages

Résumé : Netta et sa famille ont emménagé à Los Angeles il y a trois mois. Avant, ils habitaient en Israël, avec son quotidien d'angoisse, de méfiance, de peur, de haine, de conscience politique. Un matin, Adam, le frère de Netta, n'est plus là : il n'est pas rentré. Ca ne lui ressemble pas. Ce lycéen drôle et responsable n'est pas du genre à fuguer, à s'enfuir sans prévenir ou rassurer sa famille. Les jours passent et Adam ne revient pas. La police le cherche mais ils n'ont aucune piste. Netta, de son côté, mène l'enquête. Tout ce qu'elle sait, c'est que le jour où il a disparu, Adam est parti avec une fille, dont il est certainement tombé amoureux. Mais après ?
L'angoisse monte, et les suspicions avec elle.
Et il y ce garçon, Laith, un palestinien qui semble s'accrocher à Netta parce qu'ils viennent de la même terre, qu'ils parlent la même langue, qu'ils ont plus de choses en commun qu'avec les autres. Et si c'était les siens, son peuple, ses proches, ses frères qui étaient responsable de la disparition d'Adam ? Et si la haine immémoriale que les deux peuples se vouent les avait poursuivi par delà l'atlantique ?

Le livre : Le roman se lit d'une traite. Rapide, d'aspect facile, il n'est pourtant pas simple à digérer. Gloria Miklowitz fait état avec une sobriété, une évidence et une factualité renversante des positions de chacun, sur un terrain apparemment neutre. Elle explique sans fard et sans dissimulation les préjugés qui nourrissent les communautés, l'embourbement des esprits comme celui du conflit. Dure mais très juste, la tonalité du livre présente un fait divers qui devient le miroir d'un quotidien culturel.

Le récit : Raconté à la première personne, le livre suit environ un mois de la vie de Netta, un mois dur et interminable pétrit de doutes, d'attente, de chagrin et de peur. Introspectif mais jamais voyeur, le récit nage entre deux eaux: entre la vie qui s'arrête et la vie qui continue, entre le fait de vouloir s'intégrer et celui de conserver à tout prix son identité, entre le fait de s'accrocher à ses préjugés et celui de vouloir comprendre.
La démarche du roman est très ambitieuse, le message en filigrane est subtilement amenée. L'auteur cherche à explorer les mécanismes de la compréhension, du dialogue et ce, d'une manière totalement réaliste. Les deux "prantagonistes" restent campés sur leur préjugés, mais une curiosité, une volonté de savoir les pousse à s'écouter, ou à tenter de s'entendre. Un joli début de discussion en dent de scie qui n'en reste pas moins un pas de géant pour l'humanité.

Le style : Dans un style simple, à travers les mots d'une adolescente, l'auteur développe une dualité du langage, celui de l'enfermement, du repli sur soi et celui de la volonté d'ouverture, de connaissance. Le suspens est maintenu mais le rythme et le volume du livre lui permet de ne pas écraser le récit, ou de lasser le lecteur à force d'angoisse trop répétée.
La narration permet de faire passer les émotions, les cris de révoltes d'une adolescente impuissante, parfois victime et parfois responsable, souvent perdue.

Les atouts, la ligne éditoriale : Ce livre, peut-être davantage ciblé pour les 12-16 ans, dit beaucoup de choses importantes, essentielle sur les relations entre les ethnies du Proche-Orient. En mettant les pieds dans le plat, en mettant à nu les préjugés, les horribles affirmations haineuses des uns et des autres, G. Miklowitz fait table rase, donne les cartes. Partant de là, elle construit son château, frêle, branlant, improbable de relations interdites et semble se diriger vers la nature du vrai dialogue. Celui qui n'est pas neutre, celui qui est chargé d'idées reçues, de peur, de haine ; celui qui pour mieux se construire doit d'abord se dépouiller.
Un texte nécéssaire, qui malgré son style simple, son intrigue évidente délie les langues et lance un pont, peut-être une échelle de corde, vers un début compréhension et d'acceptation.
A TRADUIRE D'URGENCE !

vendredi 8 juin 2007

Interruption

Chers lecteurs,

Suite à une petite avalanche de travail (on ne va pas s'en plaindre), mes activités bloggesques seront retardées. De ce fait, il n'y aura pas de nouvelle note ce week-end et les suivantes seront davantage espacées. J'essaierai d'adapter mon travail au mieux afin de pouvoir offrir des fiches de lecture sur une base régulière.
Navrée pour cette période de flou et à très bientôt.

mardi 5 juin 2007

Pas de sabot, pas de cheval


[Suite à un week-end un peu chargé, la note de la semaine avec un léger retard]

Titre : Black Horses for the King

Auteur : Anne McCaffrey

Publié en 1996 par Harcourt

217 pages

Résumé : Après la ruine et du décès de son père, un jeune aristocrate, Galwyn Varianus est embarqué comme apprenti sous la houlette tyrannique de son oncle. Lors d'une traversée, il fait la connaissance des clients de son oncle : Artos, le Comes Britanorum et ses Compagnons. Artos souhaite se rendre au marché de Septimania afin d'y acheter des chevaux lybiens, les seuls assez robustes pour supporter des cavaliers armés. Artos a besoin de ces chevaux pour mener à bien son plan afin de chasser les envahisseurs saxons. Devinant les possibilités et la loyauté du jeune Galwyn, Artos requiert son service pour l'accompagner jusqu'à Septimania.

Le livre : Un livre d'apprentissage, qui décrit avant tout la naissance et la poursuite d'une passion, celle que le jeune Galwyn va nourrir pour les chevaux. Ce roman court et sa narration bien rythmée décrivent une époque peu évoquée dans les romans historiques jeunesse. Le livre offre aussi une origine pittoresque à l'art de la ferrure en Grande-Bretagne.

Le récit : Il s'agit d'une narration à la première personne. C'est Galwyn, un jeune adolescent d'origine aristocratique qui nous conte sa rencontre et les débuts de son service auprès du Comte Artos, qui n'est autre que le mythique Roi Arthur. Divisé en quatre parties, le roman suit la progression géographique mais aussi personnelle du héros qui, du marché à la ferme de Deva puis de Camelot au champ de bataille de Glein devra coûte que coûte proteger, soigner, dresser puis finalement ferrer les chevaux sur lesquels toute la stratégie d'Artos repose.

Le style : Première femme a avoir reçu à la fois le prix Hugo et le prix Nebula, elle est plus connu pour la saga où elle dépeint l'univers de Pern. Black Horses for the King n'est pourtant en rien un roman fantastique. Dans un acte qu'elle définit comme délibéré, elle a souhaité écrire son roman arthurien dans un cadre le plus vraissemblable possible sur le plan historique, méprisant l'image Hollywoodienne qui voudrait faire d'Arthur un chevalier médiéval plutôt qu'un héros évoluant dans une époque immédiatement postérieure à l'ère romaine. Un style léché, parfois soutenu mais jamais barbant dévoile le récit, ponctué ici et là de mots ou d'expressions latines qui ajoutent au parfum historique du livre et qui offrent une Grande-Bretagne jusqu'ici peu racontée.

Les atouts, la ligne éditoriale : le roman se place donc d'abord et avant tout d'un point de vue historique, même s'il est difficile d'établir une légitimité quant au personnage d'Arthur. L'auteur justifie d'une volonté de rompre avec les clichés du genre et la figure mythique, en le plaçant comme figure secondaire, en commandant charismatique vu à travers le regard d'un adolescent.
On regrette cependant que l'intrigue ne poursuive pas davantage l'aventure d'Artos et que les derniers chapitres précipitent si rapidement l'intrigue.

mercredi 30 mai 2007

Tour de table ronde...

Oyez, oyez,

Veuillez noter chers lecteurs avides et assidus que le week-end prochain débutera le premier "cycle" du blog.

Pour démarrer ce nouvel aspect du blog, qui consistera à réunir trois livres autour d'un même thème ou d'un même auteur, voici venir le Cycle Arthurien : trois livres autour de la figure emblématique du Roi Arthur, trois auteurs qui démontrent que la légende est toujours intacte et qu'aux romans bien nés la valeur se moque du nombre des années !

Mosaïque de la cathédrale d'Otrante (1165), en Italie, représentant Arthur.

dimanche 27 mai 2007

Stupeur et égarement...


On signale la sortie du très prenant Tokyo - All Alone in the Big City de Graham Marks. Le roman est sorti le 2 mai dernier sous le titre Tokyo - Perdus dans la grande ville chez Albin Michel, dans la collection Wiz.
Il est traduit de l'anglais par Nathalie Peronny.

vendredi 25 mai 2007

Carnets de voyage



Titre : The Valley of Secrets

Auteur : Charmian Hussey

Publié en 2003 par Hodder

465 pages

Résumé : Stephen Lansbury est un orphelin qui ignore tout de sa famille. L'école n'est apparemment pas son fort mais Stephen est un garçon débrouillard et attentif, passionné par la nature. Une lettre arrive alors et elle va changer sa vie : à la suite du décès de son grand-oncle, Theodore Lansbury, il hérite d'une grande et vieille demeure en Cornouailles, Lansbury Hall.
Mais le testament prévoit certaines conditions et Stephen se pose de nombreuses questions sur ce mystérieux grand-oncle dont il ne sait rien. Il se rend alors sur place et découvre la grande maison, l'immense propriété qui s'étend de la lande à la mer. Un curieux domaine ou des créatures étranges semblent l'épier, où des traces bizarres jonchent les meubles...
Stephen retrouve dans la bibliothèque les journaux intimes de son grand-oncle Théodore, où ce dernier relate un long et périlleux voyage en Amazonie qu'il entreprit avec un ami au début du XXème siècle. Au travers de ces lectures, Stephen prendra lui aussi part à ce voyage inoubliable qui changera à jamais le regard des jeunes explorateurs sur le monde.

Le livre : un très long roman, touffu, complet et gratifiant. Un roman qui dure le temps des grandes vacances et qui, s'il est apprécié, marquera et approfondira la conscience écologique du lecteur.

Le récit : Le récit est articulé de manière assez magistrale autour d'un unique personnage solitaire : le jeune Stephen. Il voyage seul de Londres en Cornouailles, il doit se débrouiller seul à Lansbury Hall et c'est toujours seul qu'il se retrouve malgré lui plongé au coeur du voyage de son grand-oncle, un voyage effectué près de 70 ans plus tôt.
Très introspectif, le récit immerge le lecteur dans une aventure individuelle, solitaire, mais qui n'en reste pas moins prenante et palpitante.
Un deuxième temps, celui du récit de Théodore prend place au coeur du premier, et comme Stephen, le lecteur est captivé par l'aventure qui emporte les deux jeunes explorateurs (Théo et le mystérieux "B."). Si la première moitié du roman se savoure plus lentement, la seconde se dévore.

Le style : La principale caractéristique du livre amène son principal inconvénient : l'évolution solitaire du personnage de Stephen est l'objet et le prisme de longues descriptions. L'introspection et la mise en place de l'environnement à la fois mystérieux et magique des paysage des Cornouailles sont les deux vecteurs de la première moitié du roman. Cet aspect peut-être à double tranchant, et particulièrement dissuasif pour les lecteurs allergiques à ces longs passages descriptifs et qui préfèrent l'action et l'abondance de dialogues.
A noter que The Valley of Secrets n'est jamais pesant. L'atmosphère mise en place par les descriptions fait la part belle à l'intrigue et au suspens qui tiennent le lecteur en haleine.
La narration est quant à elle sans défaut. Généreuse, amusée, pleine d'humour, l'auteur nous livre une voix amie dans ce monde empreint de solitude, d'interrogations et finalement de doute. Sans jamais bêtifier, elle pose des questions très simples, en évitant soigneusement d'offrir des réponses simplistes. Loin de sujets sensationnels et de sentiments artificiels, quelques uns des "grands thèmes" (diversité, tolérance, respect...) sont abordés avec justesse et humilité.
L'omniprésence des plantes, des animaux et de l'intérêt que leur porte Stephen offre un joli support au message écologique, qui n'est plus vain et moralisateur, mais réel et immédiat.
Les personnages sont attachants, bien élaborés et - c'est peut-être le plus magique - conservent tous leur part de mystère. L'interaction incessante entre les personnages et les environnements naturels deviennent les principaux piliers du roman, et établissent de ce fait une relation durable entre le lecteur et les valeurs défendues par l'intrigue, notamment par le biais de quelques passages très poignants.

Les atouts, la ligne éditoriale : Une fois encore, le roman est long et touffu. C'est une "grosse" lecture qui demande une implication intellectuelle et émotionnelle, que le lecteur (entre 9 et 13 ans) passionné de nature ne manquera pas de lui accorder. Le principal "handicap" du livre, ses descriptions, pourra devenir son principal atout si le lecteur est séduit par l'univers.
Le roman n'oublie pas d'initier un rapport intime avec les passions, les craintes et les espérances des personnages. La fin, très émouvante, s'imprime de manière durable sur le lecteur qui fait siennes les motivations écologiques des personnages.
L'identité, la famille, la tolérance, le respect des cultures et de la nature sont les fers de lance de ce beau récit, qui fait d'un long voyage en Amazonie une prise de conscience universelle.
Comme pour mieux étayer et justifier son propos, l'auteur propose, en exergue, un glossaire des espèces citées dans le roman, avec quelques informations complémentaires, ainsi qu'une liste d'organisations écologiques et humanitaires, poussant ainsi le lecteur à s'informer.

Un très beau roman, une lecture gratifiante et un éveil aux problèmes tentaculaires de l'écologie (plus précisément ceux de la déforestation, de la défense des espèces animales mais également des ethnies en danger) qui appellent à la prise de conscience mais aussi à l'engagement.
Le fait de publier ce genre de romans pourrait-il devenir un acte de citoyenneté et d'écologie ? A méditer...

vendredi 18 mai 2007

La Grande Famine en Irlande


Titre : Nory Ryan's Song

Auteur : Patricia Reilly Giff

Publié en 2001 par Scholastic

152 pages


Résumé : Nory Ryan, 12 ans, vit sur la côte irlandaise avec sa famille. La Grande Famine de 1845-1852 fit plus d'un million de morts. Trois millions d'Irlandais immigrèrent vers les Etats-Unis. Prise dans les tourments de la période la plus noire de l'Irlande, Nory évolue entre la faim, le désespoir, l'amour des siens et de sa terre, le rêve d'une l'Amérique où personne ne connait la faim, l'indifférence des classes dominantes. Elle tente, avec sa famille, de survivre.

Le livre : Un roman, court, concis, direct, qui touche un thème finalement peu abordé parmi les fiction historiques jeunesse : la Grande Famine en Irlande qui fit entre 500000 et deux millions de morts de 1846 à 1851.

Le récit : C’est au travers du regard de Nory que l'on découvre ce petit bout de côte irlandaise. L'auteur donne, de manière intuitive, les clés pour comprendre l'origine de la famine : on devine, d'après les descriptions naïves de Nory, les méthodes agricoles dérisoires et peu adaptées, l’omniprésence du riche propriétaire terrien à qui les paysans versent un loyer souvent bien trop élevé, et l’apparition du parasite (le mildiou) qui réduisit à néant les récoltes de pommes de terre. D’abord la peur de la faim, ensuite la faim, puis les conséquences de la faim. L’Amérique est très présente dans le récit, comme une Terre Promise où personne ne manquerait de rien. Comme un but final que tous les protagonistes considèrent non plus comme une possibilité, mais comme une nécessité. Si ce désir d'Amérique est l’une des caractéristiques du récit, le déracinement et ses blessures apparaîssent en filigrane. On comprend, en lisant le postface de l’auteur, la motivation et l’enjeu personnel du récit : arrière-petite-fille d'immigrants, elle a voulu savoir puis raconter ce que personne n'osait ou ne voulait lui dire.

Le style : Le récit est raconté à la première personne. Conforme au personnage, une petite Irlandaise de douze ans, le langage est simple, mais très évocateur et très immédiat. Son rapport à la terre, aux chemins, aux champs qu’elle connaît si bien est abordé avec beaucoup de pudeur. Les thématiques dramatiques du roman sont rendues sans détours. La maladie, la pauvreté, le sacrifice, la peur, la folie d'une foule affamée et la mort sont bien évidemment évoqués mais la narration ne tombe jamais dans le morbide.
On regrettera que certains aspects de l’histoire et des personnages, comme les chansons qui égayent le quotidien de Nory, ou les recettes magiques que lui apprend la vieille Anna, ne soient pas plus appuyés.
Aujourd'hui encore, l'idée d'un "génocide" irlandais est avancée par certains historiens. Le débat fait rage quant à la responsabilité de l'Empire Britannique dans les centaines de milliers de morts. L'auteur, impliqué personnellement, ne tranche pas sur la question historique mais dénonce clairement les agissements de l'Angleterre. Ce faisant, elles dépeints les personnages malveillants de manière un peu monolithique et un peu caricaturale. Peut-être aurait-on gagné en puissance narratrice si les personnages avaient été moins délibérément cruels et plus effacés, plus méprisants.

Les atouts, la ligne éditoriale : Le roman (destiné aux 9-12 ans) est avant tout une fiction historique. Le récit à la première personne offre une impression de témoignage et permet au jeune lecteur de pénétrer plus complètement dans l’histoire. La thématique de la famine, inconnue des sociétés occidentales, est intéressante à aborder. L'amour familial, l'amitié qui lie la petite Nory à la vieille Anna, sont les valeurs les plus défendues dans le roman.

Mesuré et poignant, ce court roman s'impose comme un devoir de mémoire.

Bienvenue à bord

Bienvenue à tous !

Un blog tout beau tout neuf pour parler de littérature (encore ?!) oui, mais de littérature jeunesse (toujours ?!).
A l'ouest, rien de nouveau dira-t-on, plusieurs sites spécialisés font ça très bien (on les retrouvera donc en lien sur cette page). Oui, mais ici, on nage en amont.
A l'origine des traductions se trouve parfois, souvent même, un gros coup de coeur. Les notes de Book-à-oreille feront donc état de ces coups de coeur pour des romans plus ou moins récents, qui ne sont pas encore paru en traduction en France.
Des romans à savourer en V.O. pour ceux qui le peuvent, à guetter avec impatience pour ceux qui attendent de les lire en traduction et, pourquoi pas, à publier d'urgence si d'aventure, des éditeurs séduits y trouvaient leur bonheur.

On espère à terme un blog très collectif, des lecteurs très réactifs et bien entendu, pour tous, de merveilleuses lectures !